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Le Bitcoin est-il une légende ?

L’histoire de la création du Bitcoin, et dans son sillage celle de son créateur ou groupe de créateurs, connu(s) sous le pseudonyme Satoshi Nakamoto, sont désormais largement connues depuis le boom de la cryptomonnaie.
Des milliers d’articles bien documentés sont revenus au fil des années sur cette épopée discrète, produisant toutes les analyses et spéculations possibles sur les origines et le destin du Bitcoin.

Aucun ne peut identifier à ce jour avec certitude l’intention cachée derrière la création du Bitcoin. Ni même s’il en a jamais existé une. Satoshi Nakamoto a réussi jusqu’à ce jour à conserver l’anonymat, soit 13 ans depuis le lancement du Bitcoin. Son dernier message public remonte à 2010, le dernier échange privé à 2011. Une performance pour l’auteur d’une invention qui a réussi à profondément bousculer notre économie mondialisée, soit directement, soit de manière fonctionnelle ou culturelle. L’auteur du Bitcoin ne s’exprimera donc plus sur sa vision. Il est uniquement possible de revenir aux sources : le livre blanc du Bitcoin publié par Satoshi Nakamoto le 31 octobre 2008 (pdf, 9 pages, anglais), puis les milliers de messages qu’il échange sur un forum jusqu’en décembre 2010 avec les développeurs et les activistes que son projet a fédéré.

Le Bitcoin est-il né d’un hasard ?

Les sources montrent que la forme actuelle et la nature hautement spéculative du Bitcoin sont un concours de circonstances technologiques. Il est l’héritier des réflexions et des invention en cryptographie qui se sont accumulées depuis les débuts de l’informatique ; Les liens fournies dans ce récapitulatif des dates clés du Bitcoin sur bitcoin.fr en font une bonne synthèse. Les références et sources extérieures citées dans le livre blanc du Bitcoin ne renvoient qu’à des textes techniques, aucune référence économique n’est citée, ni politique ou philosophique.

Pourtant dès 1988, le crypto anarchiste Timothy May, dans son texte The Crypto Anarchist Manifesto (anglais), liste les conditions techniques pour qu’une cryptomonnaie soit adoptée. Le Bitcoin arrive au moment où ces conditions sont réunies. Surtout, dans le même texte, Timothy May énonce avec clairvoyance en 1988 les premiers impacts politiques, économique et philosophique qu’une cryptomonnaie aurait.

[…] These developments will alter completely the nature of government regulation, the ability to tax and control economic interactions, the ability to keep information secret, and will even alter the nature of trust and reputation.

https://groups.csail.mit.edu/mac/classes/6.805/articles/crypto/cypherpunks/may-crypto-manifesto.html

[…] Ces évolutions modifieront complètement la nature de la réglementation gouvernementale, la capacité de taxer et de contrôler les interactions économiques, la capacité de garder des informations secrètes, et modifieront même la nature de la confiance et de la réputation.

Traduction d’un extrait de The Crypto Anarchist Manifesto (anglais), par Timothy May

Les fonds d’investissement détiennent la majorité du marché du Bitcoin et des cryptomonnaies en 2022. Timothy May ne prévoyait pas que les institutions financières seraient en mesure de déstabiliser facilement ce nouveau territoire de liberté en le rachetant, tout simplement.

En tant que cryptographe, Satoshi Nakamoto connait forcement la communauté Cypherpunk à laquelle adhère Timothy May et dont sont issues des concepts majeurs de la cryptographie. La nature anarcho-capitaliste profonde du Bitcoin ne nécessite peut-être pas que Satoshi Nakamoto reprenne les fondements idéologiques du cypher-punk dans le livre blanc. Néanmoins le livre blanc du Bitcoin n’envisage pas l’avenir de la cryptomonnaie si elle était massivement adoptée. Seule l’augmentation périodique de la difficulté pour créer des bitcoins touche à cette question, mais cette règle est arbitraire et ne traite que la question du rythme d’émission de la monnaie.

Satoshi Nakamato est-il un militant politique ?

Un anarchiste militant aurait sans doute souhaité communiquer sur son invention d’une manière très différente de celle que Satoshi Nakamoto emploie en s’en tenant aux aspects techniques. Voici donc une spéculation de plus pour le compte du créateur du Bitcoin. Si nous partons du principe que le Bitcoin est “seulement” une réponse technique brillante à un problème cryptographique ancien, les échanges sur le forum donnent l’impression que Satoshi Nakamoto essaie peu à peu de donner un sens à l’économie que sa conception induit. Pendant les échanges, il expose progressivement sa vision, demande conseil et écoute la communauté jusqu’à peut-être se rendre compte des défauts inhérents à la conception du Bitcoin et avoir envie de se consacrer à un autre projet.
Par exemple, en réponse aux questions que les membres du forum commencent à se poser avec l’arrivée de plus en plus de puissance de calcul sur le réseau (taux de hachage ou hashrate), Satoshi Nakamoto écrit le 12 décembre 2009 :

“La moyenne du total des pièces générées sur le réseau par jour reste la même. Les machines plus rapides obtiennent simplement une plus grande part que les machines plus lentes. Si tout le monde achetait des machines plus rapides, ils n’obtiendraient pas plus de pièces qu’avant. Nous devrions conclure un gentleman’s agreement pour repousser la course à l’armement des GPU aussi longtemps que possible pour le bien du réseau. Il est beaucoup plus facile de mettre les nouveaux utilisateurs à niveau s’ils n’ont pas à se soucier des pilotes de GPU et de la compatibilité. Il est agréable de constater que n’importe qui avec un simple processeur peut rivaliser à armes égales.

https://bitcointalk.org/index.php?topic=12.msg54#msg54 (en)

Cette envie fin 2009 de voir un réseau auquel tout le monde peut participer selon un gentleman’s agreement est loin des gigantesques fermes de serveurs dédiées au minage de la cryptomonnaie que nous connaissons en 2022. L’inventeur du Bitcoin ne pouvait sans doute pas prévoir jusque où irait les conséquences de la preuve de calcul par la charge CPU à ce moment.
En avril 2010 le premier minage de bitcoin est réalisé sur un pool de GPUs (pool : groupe de ressources du même type, gpu : processeur graphique), cette réalisation changera considérablement la donne. Les GPUs sont conçues pour résoudre des opérations en parallèle ce qui est idéal pour circonscrire le hasard inscrit dans l’algorithme du Bitcoin. Le minage sur GPU avait déjà été réalisé peu de temps auparavant mais pas à échelle industrielle.

L’usage de pools de GPU sur la blockchain est en fait une forme de brute-forcing pour résoudre un bloque. L’esprit communautaire ne fait pas le poids face à ce changement de paradigme comme en témoigne ce message inquiet d’un membre à propos d’un autre membre en juillet 2010.
Les membres de la communauté Bitcoin à ce moment considèrent que cette technique peut casser l’équilibre de la blockchain en rompant la confiance dans le réseau. D’autres espèrent que la part de hasard implémentée dans l’algorithme du Bitcoin permettra à n’importe qui de rivaliser avec les grosses machines. Malheureusement pour la communauté, et ça a peut-être été envisagé clairement par Satoshi Nakamoto à ce moment, avec une puissance de calcul suffisante les statistiques garantissent une création de bitcoins constante. Seule condition, pour qu’une infrastructure de minage de cryptomonnaies soit constante, elle doit être démesurée.
La création de pools de serveurs dédiés au minage de bitcoin était encore risquée à ce stade du développement du Bitcoin, pourtant la spéculation s’installe dès les débuts.
Il est estimé qu’en 2010 un seul membre, ArtForz, détenait 30% de la puissance de calcul du réseau, menaçant par ce biais la confiance dans la blockchain. L’informations n’est sortie que bien longtemps après, à l’époque les autres membres estimaient qu’Artforz disposait au maximum de 3% de la puissance de calcul du réseau, évitant peut-être ainsi la mort prématurée du Bitcoin.
Les fermes de mineurs de bitcoins que nous connaissons en 2022 appartiennent à des centaines d’acteurs différents. La possibilité qu’un seul acteur manipule la blockchain semble donc écartée.

Le Bitcoin est-t-il une monnaie ?

L’émission du Bitcoin et son échange sont le produit de règles abstraites (preuves de travail) qui repose sur un socle terriblement concret (énergie consommée par un CPU pour produire ces preuves). Un contributeur au réseau de calcul, un mineur, possède les bitcoins qu’il crée (le minage) et est rétribué pour assurer les transfert en compensation du temps machine et de l’énergie consommée. Cette règle permet de résoudre les questions de création et de circulation de la monnaie.

Une cryptomonnaie de manière générale transpose les caractéristiques des monnaies fiduciaires (les billets et les pièces) au paiement à distance.
De manière synthétique, la valeur d’une monnaie repose sur la confiance qu’ont ses utilisateurs en celui qui l’émet.
L’idée du Bitcoin est d’intégrer un système de certification, de confiance donc, sur un réseau décentralisé de pair à pair (peer-to-peer). Il remplace le recours à une autorité tiers par une certification dupliquée par tous les participants du réseau pour assurer la légitimité des transactions. L’anonymat est également au cœur des spécifications du Bitcoin et des préoccupation de sa communauté. Pour garantir l’anonymat complet des transactions, il est conseillé sur le forum bitcointalk de créer une nouvelle adresse pour chaque transaction et d’utiliser le réseau Tor. On retrouve dans ces échanges les notions de base en cybersécurité pour préserver son anonymat ou son pseudonymat (cherchez pseudonymous si ce concept vous intéresse). Il est ainsi possible de s’affranchir de toute forme d’autorité régulatrice, c’est à la fois le point fort et le défaut du Bitcoin.

Le schéma fonctionnel du Bitcoin est le suivant :

Les mineurs de bitcoins transforment donc de l’énergie en preuve de calcul (et accessoirement en chaleur).
Hors la preuve de calcul revient aux machines ayant la fréquence de hachage la plus élevée. Le rapport puissance de calcul / énergie de ces machines évolue rapidement et le coût de l’énergie peut-être variable entre zones géographiques et périodes, il n’y a donc pas de corrélation possible entre le coût de l’énergie et le nombre de bitcoins produits.
En 2010, la première cotation du Bitcoin est déterminée par la consommation d’énergie nécessaire pour produire un bitcoin, hors la dépense d’énergie pour produire et transférer des bitcoins est un choix fonctionnel qui s’impose, pas un choix économique.

Le Bitcoin n’a aucune base pour établir sa valeur, sinon le prix que le marché lui donne en boucle fermée.
Il est différents des monnaies fiduciaires classiques dont la valeur est régulée par les banques centrales.
Surtout, le Bitcoin en tant que méthode de paiement n’est utilisable que de manière anecdotique (hors achats illégaux). C’est toujours le cas aujourd’hui malgré sa popularité.
Il est différents d’un produit financier classique dont la valeur est indexée sur une valeur qui fait consensus.
Parce qu’il a échoué à devenir une monnaie d’usage courant, le bitcoin est devenu le produit financier ultime, adossé à rien et valorisé uniquement par la confiance de ses usagers.
Certains diront qu’il s’agit d’une nouvelle forme de pyramide de Ponzi, cela n’a d’ailleurs pas échappé à quelques créateurs de cryptomonnaies alternatives qui sont partis avec la caisse. Dans le cas du Bitcoin le créateur a disparu. De temps en temps, quelques gros acteurs tondent le marché en vendant massivement puis en rachetant à vil prix en attendant que de nouveaux entrants apportent du cash frais.

Comment le Bitcoin est-il devenu un produit financier ?

Nous avons parlé de l’arrivée rapide de spéculateurs dans le communauté du Bitcoin, le secteur financier à suivi peu après.
Le 17 mars 2010, Bitcoin Market, la première plateforme d’échange de monnaies fiduciaires contre des bitcoins ouvre. Paradoxalement, c’est ce qui affirmera le Bitcoin comme un produit financier plus qu’une monnaie car il devient alors possible d’acheter des Bitcoins sans participer au réseau.
La valeur d’introduction du Bitcoin, déterminer par le prix de l’électricité, est vite passée à la postérité face aux hardwares créés pour remporter les récompenses de minage. Ces machines, basées sur des GPU, optimisent toujours plus les dépenses énergétiques pour produire les preuves de travail. Avec ce genre de hardware sur le réseau de la blockchain du Bitcoin, la preuve de calcul pour remporter des bitcoins est rapidement devenu hors de portée des passionnés, puis des petits investisseurs. De grosses plateformes de trading sont nées pour accéder au réseau, limitant rapidement l’anonymat possible en utilisant la cryptomonnaie.

Depuis nous avons assisté à une véritable surenchère, vers des machines de minage puis des datacenters toujours plus gros, au point que l’approvisionnement globale en GPU est devenu erratique. La mise en place de ces datacenters dédiés au minage de cryptomonnaies n’est possible qu’avec de gros capitaux, capables de remodeler les territoires et l’économie.
Le poids de cette économie crée un appel à toujours plus d’investisseurs frais comme une véritable pyramide de Ponzi si on rappelle que sa valeur est déterminée en boucle fermée, sans indicateurs auquel l’adosser.
L’augmentation de la difficulté a eu pour effet de renforcer les besoins en capitaux des gros acteurs du minage. En découle un marketing à l’échelle des sommes colossales capturées.

À quoi ressemblerait la cryptomonnaie idéale ?

Les spécifications technique du Bitcoin en ont fait une proie facile des marchés financiers. Il a manqué au Bitcoin des processus d’autorégulation inscrit dans le code source (limiter le taux de hachage par exemple) et une vision, un fondement conceptuel, qui aurait pu guider les développements futurs et un esprit communautaire. Le travail d’un ingénieur n’est pas à priori de penser le monde, il doit d’abord résoudre des problèmes fonctionnels, et une mauvaise compréhension de la technologie renverse souvent ce paradigme. Satoshi Nakamoto a légué un outil formidable, il nous manque maintenant le manuel.

Pour rédiger ce manuel, il faut d’abord se demander quelles valeurs, quelles richesses nous souhaitons échanger avec une cryptomonnaie.
Finalement, la question se résume à : sur quoi devrions-nous indexer la valeur d’une monnaie cryptographique pour faire consensus ?
L’expérience d’un utilisateur, en le rémunérant en points d’XP ?
Cette solution risquerait de tourner très rapidement à la dystopie en développant une quantification de toutes nos actions.
Les ressources matérielles d’un utilisateur ?
Les disparités de richesses ont déjà transformé en dystopie l’habitat d’une grande partie des habitants de la planète.
Nous devrions donc peut-être évaluer des indicateurs globaux plutôt qu’individuels.

Pour aller plus loin…

Histoire des monnaies contemporaines

L’événement clef de l’histoires des monnaies contemporaines est certainement la généralisation des taux de change flottants entre 1971 et 1976 pour déterminer la valeur d’une monnaie.

Billet de 100 000 dollars américains, 1934.

La valeur des monnaies de 1971 à 1976 et après

Beaucoup n’avez sans doute pas pris conscience de manière aussi claire que les monnaies utilisées sur le globe actuellement n’ont pas de valeur intrinsèque. Pour rappel, la valeur que nous attribuons à une monnaie découle simplement de la confiance des marchés en l’autorité qui diffuse et maintient cette monnaie. Cet article de Wikipedia (en) retrace l’invention des monnaies qui font autorité (FIAT Currency). En quelques mots, la nature des monnaies que nous utilisons actuellement est culturelle. Les monnaies ne représentent plus comme pouvez le faire l’or, ou le dollar indexé sur l’or une preuve de possession d’une partie d’un bien quantifiable.

En quelques mots, ce changement de nature s’opère à la fin du 20ème siècle, marquée par le basculement dans la financiarisation :

  • En 1971 Richard Nixon supprime la parité or dollar, les réserves américaines étant devenues insuffisantes pour satisfaire aux demandes de conversion.
  • En 1973 le régime de taux de change flottants devient la norme pour les monnaies.
  • En 1976 les accords de Jamaïque confirment officiellement l’abandon du rôle international de l’or. Les monnaies et l’or deviennent des produits financiers, soumis aux lois de l’offre et de la demande, malgré quelques garde-fous (banques centrales et FMI entre autres).

Parallèlement, l’outil de production est hors jeu pour estimer la valeur d’une économie, au contraire, la finance devient le chef d’orchestre de l’industrie et des services. Son caractère mondialisé crée une rupture entre les territoires sources d’investissement et ceux où des activités productives sont développées, décorrélant par ce biais l’économie de la réalité des habitants.

Les mouvement migratoires, la naissance de villes mondiales et de multinationales de la taille économique d’un pays, la mise en coupe des ressources, les guerres, sont, depuis la fin du 20ème presque exclusivement une conséquence de l’obésité du secteur financier.